Lorsque je discute entraînement marathon avec des coureuses, une question revient souvent : comment adapter intelligemment son plan d’entraînement au cycle menstruel ? Pendant longtemps, ce sujet a été minimisé ou mis de côté dans le monde de la course à pied. Pourtant, l’impact des hormones sur la performance, la récupération et le risque de blessure est bien réel. Dans cet article, je partage une approche pratique et structurée pour adapter son entraînement marathon au cycle menstruel, avec des conseils concrets pour les coureuses qui souhaitent progresser tout en respectant leur corps.
Comprendre les phases du cycle menstruel et leurs effets sur la course
Avant d’adapter un entraînement marathon au cycle menstruel, il est essentiel de comprendre les grandes phases hormonales. Je simplifie volontairement ici, car chaque femme est différente, mais ces repères aident à structurer son plan de course à pied.
On peut découper le cycle menstruel en quatre grandes périodes :
- Phase menstruelle (jours 1 à 5, variable) : les règles, avec une chute des hormones (œstrogènes et progestérone).
- Phase folliculaire (du premier jour des règles jusqu’à l’ovulation, autour du jour 14 sur un cycle « type » de 28 jours).
- Ovulation (vers le milieu du cycle, souvent autour du jour 14, mais très variable d’une femme à l’autre).
- Phase lutéale (entre l’ovulation et le début des règles suivantes, souvent jours 15 à 28).
Ces fluctuations hormonales influencent la température corporelle, la perception de l’effort, la gestion de la douleur, la récupération musculaire et même la souplesse ligamentaire. Pour l’entraînement marathon, cela veut dire que certaines périodes sont plus propices aux séances de qualité, et d’autres aux allégements de charge et au renforcement.
Adapter l’entraînement marathon pendant les règles
La phase menstruelle est souvent appréhendée par les coureuses, surtout lorsqu’elle tombe en plein cycle de préparation marathon. Pourtant, courir pendant les règles est tout à fait possible, à condition d’écouter ses symptômes et d’ajuster l’intensité.
Les principaux symptômes qui peuvent impacter la course à pied durant les règles sont :
- Fatigue générale plus marquée
- Crampes abdominales et douleurs lombaires
- Sensation de jambes lourdes
- Motivation en baisse
Dans cette période, j’observe que beaucoup de coureuses bénéficient d’une approche plus flexible :
- Privilégier les footings lents plutôt que les séances très intenses le premier ou le deuxième jour si la douleur est forte.
- Adapter ou décaler les fractionnés si la fatigue est trop importante.
- Maintenir le volume hebdomadaire global si possible, mais en réduisant temporairement l’intensité.
- Renforcer la récupération : hydratation, apport en fer (en lien avec un professionnel de santé), sommeil.
Pour certaines coureuses, la sensation de « nettoyage » du corps pendant les règles s’accompagne au contraire d’un sentiment de légèreté au bout de quelques jours. L’important est de consigner ses sensations dans un carnet d’entraînement pour repérer son propre schéma.
Phase folliculaire : un moment clé pour les séances de qualité
La phase folliculaire, surtout après les premiers jours de règles, est souvent une période favorable pour intensifier l’entraînement marathon. Les taux d’œstrogènes commencent à augmenter, la forme revient, et la perception de l’effort s’améliore souvent.
Dans cette période, je conseille souvent aux coureuses de placer :
- Les séances de VMA (courses rapides, fractionnés courts).
- Les séances au seuil ou tempo run, proches de l’allure semi-marathon.
- Les séances spécifiques à l’allure marathon sur des blocs plus longs.
Cette organisation permet de tirer parti d’un contexte hormonal souvent plus favorable aux efforts intenses, à la fois sur le plan physique et mental. C’est aussi un bon moment pour tester des ajustements : nouvelles chaussures de running, stratégies de ravitaillement à l’allure marathon, ou encore travail technique sur la foulée.
Ovulation, chaleur corporelle et risque de blessure
Autour de l’ovulation, le corps connaît un pic d’œstrogènes, puis une modification de la progestérone. Certaines études suggèrent qu’il pourrait y avoir une légère augmentation de la laxité ligamentaire, ce qui pourrait théoriquement accroître le risque de blessure, notamment au niveau des genoux ou des chevilles.
En pratique, pour l’entraînement marathon au moment de l’ovulation, j’encourage les coureuses à :
- Être particulièrement attentives à l’échauffement (progressif, complet, avec mobilité).
- Renforcer le gainage et la stabilité (exercices de proprioception, travail des hanches et du tronc).
- Surveiller les signaux d’alerte : douleur inhabituelle, instabilité, fatigue neuromusculaire.
Cette phase peut rester compatible avec des séances de qualité, mais avec une vigilance accrue sur la technique de course et la récupération. Là encore, le suivi des sensations dans un journal d’entraînement est précieux pour comprendre comment son propre corps réagit à l’ovulation.
Phase lutéale : gérer la fatigue, le syndrome prémenstruel et la préparation marathon
La phase lutéale, qui va de l’ovulation au début des règles, est celle où de nombreuses coureuses rapportent une augmentation des symptômes : ballonnements, irritabilité, baisse de motivation, jambes lourdes, troubles du sommeil. Le syndrome prémenstruel (SPM) peut vraiment impacter la préparation marathon.
Pour adapter l’entraînement marathon à cette période du cycle menstruel, je recommande souvent :
- Maintenir les séances spécifiques marathon, mais en acceptant un peu de variabilité dans les allures si les sensations sont moyennes.
- Réduire la charge les jours de SPM intense : transformer une séance dure en footing d’endurance peut être plus rentable à long terme.
- Accentuer le travail de récupération : étirements légers, automassages, bain chaud ou froid selon la tolérance.
- Soigner l’alimentation : limiter les grosses variations de sucre, augmenter les apports en magnésium, en oméga‑3, en protéines de qualité.
Le but n’est pas de “subir” cette phase, mais de la prendre en compte dans la planification. Sur un plan marathon de 10 à 16 semaines, intégrer ces fluctuations aide souvent à réduire la fatigue et à limiter le risque de surentraînement.
Planifier son plan marathon en fonction du cycle menstruel
Adapter son entraînement marathon au cycle menstruel ne signifie pas tout bouleverser chaque mois. Il s’agit plutôt de placer les séances clés là où les probabilités de bonne forme sont plus élevées, et de prévoir une marge de manœuvre pour ajuster.
Voici une logique de planification que j’utilise souvent avec les coureuses :
- Phase folliculaire (hors premiers jours de règles) : semaine(s) avec plus de séances intenses (VMA, seuil, allure marathon longue).
- Début des règles + SPM intense : semaine(s) légèrement allégées, mais sans supprimer totalement l’intensité si la coureuse se sent bien.
- Phase lutéale moyenne : maintien du volume, mais ajustement des intensités en fonction de l’état du jour.
Pour que cela fonctionne, je recommande d’utiliser une application ou un simple calendrier papier pour noter :
- Les dates de début et fin des règles.
- Les symptômes marquants (douleurs, fatigue, ressenti à l’entraînement).
- Les séances où les sensations ont été particulièrement bonnes ou mauvaises.
Au fil des mois, un profil personnel se dessine. Certaines coureuses sont au top juste avant les règles, d’autres au contraire très diminuées. C’est en analysant ces tendances que l’on peut vraiment optimiser son plan marathon.
Nutrition, hydratation et gestion de la douleur pendant le cycle
L’entraînement marathon au féminin ne se limite pas à la gestion de la charge de course. La nutrition, l’hydratation et la gestion de la douleur ont un rôle majeur, surtout sur les longues distances.
Quelques axes importants à considérer :
- Fer et ferritine : les pertes sanguines peuvent favoriser les carences en fer, très pénalisantes pour l’endurance. Un bilan sanguin régulier, conseillé par un médecin, peut être utile.
- Hydratation : la rétention d’eau pendant la phase lutéale peut donner une sensation de lourdeur, mais ne doit pas faire oublier de boire correctement, surtout sur marathon.
- Gestion des douleurs menstruelles : certaines coureuses recourent aux anti-inflammatoires ou antalgiques ; cela doit se faire avec l’avis d’un professionnel de santé, en gardant en tête les contraintes spécifiques de l’effort prolongé.
- Apports énergétiques : en phase lutéale, l’appétit peut augmenter. Plutôt que de lutter, mieux vaut structurer ces apports (collations protéinées, fruits, oléagineux) pour soutenir l’entraînement.
Jour du marathon et cycle menstruel : s’organiser en amont
Une question sensible mais très concrète concerne la date du marathon et sa coïncidence avec les règles ou le SPM. On ne maîtrise pas toujours le calendrier, mais il est possible d’anticiper.
Je conseille aux coureuses de :
- Simuler à l’avance, avec la durée moyenne du cycle, la probabilité d’avoir les règles le jour J.
- Tester en amont, sur des longues sorties ou des semi-marathons, le matériel adapté : protection hygiénique, tenue, lubrifiants anti-frottements.
- Prévoir une stratégie mentale : accepter que les sensations ne soient peut-être pas parfaites, mais rester focalisée sur la gestion de course (allure, ravitaillement, respiration).
Certaines choisissent également de discuter avec leur gynécologue de la possibilité de décaler leurs règles (pilule en continu par exemple). C’est un choix très personnel, qui doit se faire avec un avis médical, en tenant compte de tous les paramètres de santé.
Adapter son entraînement marathon au cycle menstruel, ce n’est pas chercher le contrôle absolu, mais reconnaître qu’il existe des cycles, des hauts et des bas, et bâtir un plan de course à pied qui respecte ces variations. C’est, à mes yeux, une démarche à la fois scientifique, pragmatique et profondément respectueuse du corps des coureuses.
Adam
